Sleazy Sunday

Par Jerry Murray

Suzy et moi avons quitt� San Diego � 6 heures du matin pour arriver vers 9 heures dans la San Fernando Valley o� se tient encore cette ann�e � Mission Hills ce petit salon d�di� aux livres de poche; le LA Paperback Show qui se veut �tre un lieu de rencontres et d'�changes entre fans, vendeurs et collectionneurs.. Quelques douzaines d�amateurs de litt�rature populaire faisaient encore la queue et pr�paraient leur 5 dollars afin de pouvoir s�engouffrer dans les salles  d�exposition et de vente de cette 29�me manifestation.. Cherchant leur chemin au milieu des visiteurs plusieurs exposants en �taient encore � disposer leurs ouvrages sur les tables qui leur �taient affect�es. Toute cette agitation fit que nous renon��mes � chercher Earl, l�ami qui nous avait lanc� cette invitation 2 semaines plus t�t.

Earl Kemp, comme ancien r�dacteur de Greenleaf Classics (*), avait pu acqu�rir la plupart de mes romans �crits quarante ans plus t�t au cours d�une p�riode m�t�orique consacr�e � l��criture de romans pornographiques. Ces romans surnomm�s affectueusement sordides, r�pugnants, sont maintenant avidement recherch�s par les collectionneurs. Certains de ces vieux ouvrages peuvent �tre propos�s � plus de 100 dollars sur Amazon. Ce prix peut monter � 300 dollars pour une couverture particuli�rement saisissante et jusqu'� 1000 dollars pour un dessin original. Sur les pr�sentoirs se trouvaient dispos� beaucoup de ces ouvrages, au milieu de vieilles bandes dessin�es et de magazines, soigneusements prot�g�s dans des sacs plastiques ainsi que des tonnes d�ouvrages divers, des pulps de science fiction et de remarquables dessins originaux. Earl est encore largement connu et respect� comme �diteur des 2 genres (�rotique et science fiction). Il est pr�sent chaque ann�e � cette manifestation et fait partie de cette trentaine de c�l�brit�s invit�es. Il est �galement pr�sent de 11 h � midi pour signer les livres �dit�s par lui et discuter avec les fans.

Vint les temps des signatures. Je me suis retrouv� assis � une table avec Earl et Victor Banis, un auteur d�ouvrages gay �crits au bon vieux temps du porno. Ce que j�avais �galement pratiqu� sous le pseudonyme de Murray Montague. A tour de r�le nous avons parl� de la grande amiti� manifest�e par Earl envers nous et d�autres �crivains. Puis ils se sont dirig�s vers la s�ance de signatures pour discuter avec les fans. Tandis que ma femme Suzy partait pour une petite promenade, je me suis assis souriant � leur table en observant tranquillement la foule. C�est alors que trois visiteurs anonymes, Bob Speray, Miriam Lini et Tony Jacobs ainsi que le promoteur du salon Tom Lesser vinrent vers moi avec des piles de vieux livre de poche, ce qui eu pour cons�quence de me transformer  instantan�ment en personnage connu

J�ai du d�dicacer une cinquantaine de livres sous mon nom v�ritable et sous mes pseudonymes au milieu d�une assembl�e de fans plaisantant autour de moi sur les titres de mes livres et sur les couvertures, me rappelant mon pass� scandaleux. Beaucoup de mes livres portent des titres et des pseudonymes que j�ai compl�tement oubli�s.

A maintes reprises j�ai dit � mes fans que mes � ann�es porno � avaient �t� les meilleurs de ma vie. Je n�ai pas eu le temps de leur dire que cette �poque �tait celle d�une totale libert� pendant laquelle je ne r�pondais professionnellement qu�� Earl et Larry. En me payant correctement ils m�ont permis de vivre o� je voulais, de voyager avec ma femme et mes enfants dans les �tats de l�Ouest et de rencontrer nombre de coll�gues et de lecteurs.

Bien que cette vie f�t tr�s agr�able il n�en reste pas moins que l��criture de fiction �rotique n��tait pas aussi facile que l�on peut le penser. Beaucoup d�auteurs utilisaient de nombreux pseudonymes afin de se mettre � l�abri de poursuites juridiques. Earl Kemp peut �tre remerci� d�avoir dirig� un mouvement li� aux droits civiques afin que la Cour Supr�me modifie l�interpr�tation du premier amendement. Les limites de la libert� d�expression s��tant agrandies cela a permis aux auteurs comme nous de devenir un peu plus respectables et d��tre plut�t consid�r�s comme des �crivains de litt�rature populaire.

Apr�s m��tre inscrit � un s�minaire d��criture au Coll�ge d�Etat de San Diego, apr�s 6 mois d��tudes mon professeur m'invita avec Suzy un soir � diner. Il sollicita mon avis sur la fa�on d��crire un roman �rotique en collaboration avec sa femme. Je ne sais pas si ce manuscrit a �t� publi� mais cette exp�rience m�a donn� confiance en moi � tel point que j�ai pu exercer mon activit� pendant une quinzaine d�ann�es aussi bien chez moi qu�� l�ext�rieur. Le tout en b�n�ficiant de tr�s bons revenus et de nombreux voyages avec Suzy

Nous avons quitt� la manifestation en nous frayant un chemin, livres � la main parmi des dizaines de personnes assises ou debouts discutant dans le couloir qui menait � la table de vente des tickets d�entr�e. Comme nous nous �tonnions que les retardataires soient plus nombreux que les visiteurs des premiers jours du salon,  Earl nous dit en souriant � Ils viennent ici pour rencontrer Ray Bradbury avec l�espoir de parler avec lui et de lui faire signer un de ces livres. � Il ajouta qu�� son �ge il quittait rarement sa maison et qu�il n��tait pr�sent que pendant 1 heure.

Nous fumes heureux d�apprendre que nous serions invit�s officiellement au salon de l�ann�e prochaine. Nous pourrions revoir les amis de cette ann�e et rencontrer un peu plus de monde que ma horde minimale de fans.

Nous avons retrouv� un peu fatigu�s mais heureux notre maison de la vall�e de San Fernando. Un mail de Larry nous avait pr�c�d�. Il nous informait �tre retourn� au salon avec sa fille et esp�rait qu�elle pourrait nous rendre visite apr�s une longue absence. Pendant ce temps Larry discutait s�rieusement avec un collectionneur au sujet de dessins originaux qu�il d�tenait dans son garage. Ils partirent tous les deux dans cette direction. Nous sommes certains que les affaires furent bonnes pour les deux parties.

Ce Sleazy Sunday s�est av�r� �tre un grand jour pour chacun de nous !

(*) Greenleaf Classics : maison d��dition fond�e par William Hamling, sp�cialis�e dans les romans �rotiques et pornographiques publi�s par Earl Kemp dans les ann�es 60 et 70. Ce dernier fut aussi le premier � �diter des romans � tendance gay dont le principal contributeur �tait Victor J. Banis (voir photo ci-dessous).  Earl Kemp se fit aussi remarquer en op�rant un v�ritable d�tournement du Rapport Pr�sidentiel Am�ricain de la Commission sur l�Obsc�nit� et la Pornographie qu�il publia justement avec des photos que la commission �tait cens�e examiner et sur lesquelles elle devait statuer. Pour ces faits il fut condamn�, ainsi qu�Hamling, � un an de prison. Ils ne firent en fin de compte que 3 mois.